France / Roland Dumas, un destin épique et un fidèle compagnonnage avec Mitterrand, est mort à 101 ans
L’ancien ministre des Affaires européennes puis des Affaires étrangères de François Mitterrand, Roland Dumas, est mort hier à l’âge de 101 ans.
Personnage haut en couleur et aux talents multiples, Roland Dumas avait aussi été, parallèlement à la politique, un grand avocat, aux amitiés parfois discutables, mais obstinément fidèle à ce président qu’il n’avait jamais, malgré leur très grande proximité, appelé „François“, ni tutoyé.
Roland Dumas aurait pu faire sienne cette phrase de De Gaulle: „Quel roman que ma vie!“. Car de la Résistance dans les maquis du Limousin, durant l’occupation allemande – sur les traces de son père, qui sera fusillé par les nazis –, jusqu’aux ors du Quai d’Orsay, en passant par le Palais-Bourbon, que d’aventures, heureuses ou dramatiques, légères ou pesantes, il aura connues! Y compris d’ailleurs au sens le plus sentimental du terme, chez ce passionné de conquêtes féminines que lui valaient son charme, sa culture et son intelligence. Sans parler de son don pour les langues étrangères, l’écriture, le journalisme, et bien entendu son éloquence qui faisait merveille dans les prétoires.
Sa passion première, pourtant, n’était ni le droit, ni la politique, mais bien la musique; et en particulier l’opéra. Il avait d’ailleurs préparé trois années durant le conservatoire: „Que voulez-vous, devait-il nous confier un jour, j’avais ce qu’on peut appeler une belle voix, et puis dans ma famille, tout le monde chantait tout le temps!“ Belle introduction après tout, quoiqu’inattendue, à une carrière de … ténor du barreau.
Le barreau qui fut aussi un des points de passage de François Mitterrand – et de tant d’autres personnalités politiques de l’époque, au demeurant – au destin duquel il allait, tantôt dans l’opposition, tantôt au pouvoir, attacher le sien dès le milieu de la IVe République. Y compris, après l’élection de 1981, en mettant son talent, son entregent, sa séduction même, au service de causes élyséennes ou personnelles qui exigeaient de sa part un sens triplement aigu: celui de l’amitié, celui de la discrétion, et celui de l’État. Au point que, plus tard, un autre ami très proche du président socialiste, Roger-Patrice Pelat, aurait un jour cette formulé: „Mitterrand a deux avocats, Badinter pour le droit, et Dumas pour le tordu.“
Mais il y avait aussi, dans la vie de Dumas, une autre passion encore: celle de l’art, en particulier celui du XXe siècle. Il était notamment devenu, dans les années 1970, l’ami de Picasso, qui, par référence à son existence mouvementée et à son patronyme partagé avec un des géants de la littérature romanesque, le surnommait „Alexandre“. A cette époque, le tout-Paris de la peinture, de la sculpture, de la littérature, du cinéma, se pressait à ses dîners, et quand besoin était à son cabinet d’avocat. Sans parler de ses amis du Canard Enchaîné, dont il fut longtemps l’avocat-conseil.
C’est ce personnage un peu oublié aujourd’hui – beaucoup de ses compagnons de route politiques, il est vrai, étaient morts avant lui – qui vient de mourir. Et, avec lui, un pan de la mémoire d’une époque qui pourrait bien avoir elle aussi disparue: celle des grandes figures de la vie publique française.
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