France / Tractations internes à gauche, manœuvres au centre: Le NFP risque d’abîmer son crédit
Le président Macron devait „accepter dans la soirée“ d’hier mardi la démission formelle de Gabriel Attal et de ses ministres, tout en maintenant à l’un et aux autres la charge d’expédier les affaires courantes, faute de voir se dessiner la perspective d’un nouveau gouvernement, appuyé sur une majorité parlementaire. Pendant ce temps, la gauche continue de s’épuiser – et d’affaiblir dangereusement son crédit politique – dans des tractations sans fin.
Le feuilleton de l’après-législatives continue, sans que l’horizon se dégage. Chaque fois que, parmi les négociateurs des quatre partis formant le Nouveau Front populaire, un nouveau nom est avancé pour Matignon, surgit aussitôt le blocage de l’une au moins des formations. La palme des exigences revenant sans surprise à La France Insoumise, qui menace maintenant de quitter les pourparlers si le ou la futur(e) président(e) de la nouvelle Assemblée nationale, poste qui devrait être pourvu demain, n’est pas issu(e) de ses rangs.
Ce langage exaspère évidemment les trois autres partis, dont deux, le PS et les Verts, n’ont pas manifesté, il est vrai, un grand enthousiasme à l’égard de la „trouvaille“ de Jean-Luc Mélenchon pour la fonction de premier ministre: Mme Huguette Bello, la présidente communiste du Conseil régional de la Réunion, île située à quelque 10.000 kilomètres de Paris, et qui n’a jamais exercé de fonction ministérielle. Cette proposition a été perçue par les socialistes, en particulier, qui suggéraient de leur côté le nom de leur premier secrétaire Olivier Faure, comme une provocation. Sagement, l’intéressée n’a pas tardé à faire savoir qu’elle n’était plus candidate, si elle l’avait jamais réellement été.
Renonçant pour un temps, lundi soir, à son idée première, le PS a ensuite avancé le nom de Mme Laurence Tubiana, une proposition qui a recueilli le soutien des communistes et des écologistes. Mme Tubiana, femme de la gauche modérée, diplomate de haut rang et économiste reconnue, a notamment beaucoup œuvré pour le succès de la COP 21, et dirige actuellement la Fondation européenne pour le climat. „Pas sérieuse!“, a aussitôt répliqué le camp mélenchoniste, au motif qu’elle a cosigné la semaine dernière dans Le Monde une tribune appelant le Nouveau Front populaire à „tendre la main aux autres acteurs du Front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine et d’un gouvernement“.
Deux cadeaux à Macron
Inadmissible en effet pour une France Insoumise qui se pique d’obliger le futur gouvernement à appliquer, comme l’a dit M. Mélenchon, „tout son programme, rien que son programme“. Tout se passe comme si, perdus dans leurs interdits croisés et leurs batailles d’egos, les quatre partis du NFP ne paraissaient pas mesurer qu’ils sont en train d’offrir à Emmanuel Macron et son camp deux choses essentielles.
D’abord un délai de grâce dont il n’aurait sans doute jamais osé rêver, et qu’il met à profit pour faire manœuvrer ses propres troupes. Admonestant les uns, tentant de réconcilier les autres, le président de la République s’affaire, à l’évidence, à construire cette „majorité nécessairement plurielle“ qu’il appelle de ses vœux, et qui passerait à la fois par un élargissement vers les Républicains non „ciottistes“ et, idéalement, par le débauchage de cette frange sociale-démocrate du PS qui n’en peut plus de la cohabitation avec Mélenchon.
Second cadeau de la gauche aux macronistes: la dégradation rapide, sous les yeux des Français, de son image de force potentielle de gouvernement. Le feuilleton de cette querelle interne, de rebondissement en rebondissement, semble donner raison à ceux – le chef de l’Etat en tête – qui misaient sur une rapide dislocation du NFP, avant même que ce dernier eût commencé à gouverner. Le député François Ruffin, ancien de LFI, connu pour son franc-parler, a d’ailleurs déploré sans ambages, hier sur RTL, que ce comportement „donne évidemment raison à Emmanuel Macron“. Quant à Sophia Chikirou, très proche de Jean-Luc Mélenchon au sein de LFI, elle a mis en garde contre une résurgence du „hollandisme“ au PS, et a comparé l’ancien président socialiste à une „punaise de lit“. Ambiance …
On en est là. Les deux prochaines journées devraient être capitales pour dessiner la suite au sein de l’Assemblée. Mais beaucoup font observer que de toute façon, cette bataille pour désigner un postulant de gauche à la fonction de premier ministre aura pour premier arbitre constitutionnel le chef de l’État, et pour second un verdict parlementaire, très vraisemblablement négatif.
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