France / Un premier sondage préfigure une Assemblée sans majorité, mais Macron veut encore croire en sa chance
Un premier sondage portant non plus seulement sur le pourcentage des voix attribué à chaque parti en fonction des intentions de vote déclarées, mais en nombre de sièges dans la future Assemblée nationale (inévitablement approximatif dans un pays qui compte 577 circonscriptions) a été publié vendredi soir. Il accorde entre 200 et 240 sièges au Rassemblement national, 180 à 210 au Nouveau Front populaire, 80 à 110 aux macronistes, 40 à 60 aux Républicains et une vingtaine à divers autres candidats.
Ces chiffres, qui montrent notamment que le parti du chef de l’Etat devrait perdre entre la moitié et les deux tiers de ses députés, ne semblent cependant pas entamer l’optimisme de ce dernier, qui a assuré à un certain nombre de proches que „la majorité absolue n’était pas hors de portée“ pour ses amis politiques. Il est vrai qu’il ne disposait pas alors des toutes dernières estimations publiées – mais on sait bien que le pouvoir, quel qu’il soit, dispose de ses propres réseaux de mesure de l’opinion. S’agit-il, de la part du locataire de l’Elysée, d’une ultime tentative de convaincre les Français qu’en dissolvant l’Assemblée nationale au soir des élections européennes du 9 juin dernier, il n’a pas plongé la France dans le chaos, comme tant d’électeurs le pensent, mais au contraire lancé un processus de clarification nécessaire?
Pourtant, l’évolution de la campagne législative ne plaide vraiment pas en faveur de cette thèse, au-delà même des sondages. Au contraire: le ton s’en est encore durci ces derniers jours, en particulier autour de la question de l’antisémitisme d’une partie de La France Insoumise (voir Tageblatt du 21 juin). Une accusation qui continue de susciter un malaise à gauche, et suscite une inquiétude croissante dans la communauté juive de France, laquelle estime à 92% – toujours selon les sondages – qu’une victoire du Nouveau Front populaire, assez largement piloté par les mélenchonistes, accroîtrait la menace pesant sur sa sécurité.
D’autres controverses tendent aussi à s’envenimer sur les conséquences économiques et financières d’une victoire de l’un ou l’autre extrême. Le chiffrage des projets du Rassemblement national est ressenti par la plupart des économistes comme préoccupant, pour ne pas dire plus, avec au moins 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires (ou de manque à gagner pour l’État, ce qui, sur le plan comptable, revient au même). Et celui du programme du Nouveau Front populaire, avec 110 à 205 milliards d’euros de dépenses supplémentaires selon les estimations, comme carrément suicidaire pour une France qui s’empêtre déjà dans une dette publique abyssale, et un déficit budgétaire qui vient de lui valoir une réprimande officielle de Bruxelles.
Le Maire: des „cloportes“
Ce à quoi, il est vrai, l’extrême droite – qui, donc, selon ce dernier sondage, connaîtrait une forte poussée sans conquérir pour autant la majorité absolue au Palais-Bourbon – tente de répondre en revoyant sans cesse à la baisse ses promesses de dépenses publiques ou d’exonérations, notamment pour séduire le patronat. Cependant qu’à gauche, nombre de modérés vont répétant qu’il n’y a pas lieu de trop se soucier de leurs engagements, car l’accord électoral conclu entre LFI, les Verts, le PCF et le PS, n’avait pour seul véritable objet que d’opposer, en se partageant les circonscriptions plutôt qu’en allant s’y affronter, un front uni au risque de voir le RN s’installer à Matignon, en attendant peut-être pire encore en 2027. Franchise désarmante sans doute, en tout cas plutôt rassurante, mais qui ne semble pas exactement relever de ce que M. Macron appelle une „clarification“.
Mais dans les rangs de la famille macroniste, justement, l’atmosphère semble être aux règlements de comptes plus qu’au rassemblement fervent et constructif autour du chef. Une petite phrase du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, défraie la chronique depuis quelques jours. Lui qui est encore le numéro deux du gouvernement derrière Gabriel Attal a ainsi déploré à la télévision la prolifération des „cloportes“ (sic) dans les „palais officiels“ en général, et manifestement, même s’il n’a tout de même pas osé le dire ainsi, celui de l’Elysée en particulier.
„Cloporte“: le dictionnaire nous rappelle que ce nom d’insecte désigne aussi, d’une manière fortement dépréciative, „une personne qui vit dans son propre milieu, coupée du monde“. Le terme, surtout dans la bouche d’une vedette politique qui, dans le poste éminent qui est toujours le sien, accompagne le chef de l’État depuis sa première élection à la présidence, en 2017, a évidemment suscité maints commentaires. Il est vrai que quelques jours plut tôt, M. Le Maire, interrogé sur la dissolution de l’Assemblée, avait estimé publiquement que c’était „la décision d’un seul homme“, pour s’en dédouaner lui-même. Et de fait, l’exaspération des macronistes ne cesse de monter contre ces „cloportes“ qui, probablement coupés de toutes les réalités politiques et sociales du pays, ont encouragé le chef de l’Etat dans cette intention manifestement malheureuse.
Comment imaginer une coalition?
Une décision vertement critiquée aussi, de manière plus frontale même, par une autre personnalité importante de la famille macroniste – ou qui, du moins, en fut un des piliers originels: Edouard Philippe, le premier chef de gouvernement nommé par Macron juste après son élection, en 2017, et remercié en juillet 2020. Il a accusé le chef de l’État d’avoir „tué la majorité présidentielle“ par sa dissolution parlementaire, et se dit „prêt à créer une nouvelle majorité parlementaire qui ne peut pas être exactement la même chose qu’avant.“ Sur la base des chiffres publiés hier soir, c’est en effet le moins que l’on puisse dire …
Des chiffres qui montrent, du moins en les prenant avec les réserves qu’impose tout sondage, surtout en nombre de circonscriptions et à huit jours du verdict des urnes, que la France s’achemine vers une situation où il n’y aurait aucune majorité absolue de gouvernement. Ce qui supposerait de trouver une personnalité suffisamment consensuelle pour rassembler quand même autour d’elle, fût-ce avec bien des restrictions mentales, assez d’élus pour soutenir son gouvernement.
Démarche qui semblerait tout à fait banale, bien sûr, dans la plupart des autres démocraties européennes; mais qui, dans le climat actuel de cette campagne législative française où l’anathème et l’interdit règnent beaucoup plus que le dialogue, n’est vraiment pas acquis d’avance: comment imaginer, entre ennemis irréductibles, une coalition? Même si des hommes comme François Hollande à gauche, Edouard Philippe à droite, peut-être aussi Gabriel Attal au cœur de ce qu’il restera de l’ex-majorité macroniste, se verraient manifestement bien dans ce rôle. Mais ce qui se profile – encore une fois, pour autant qu’on puisse le dire à huit jours du verdict des urnes – évoque plus la IVe République éternellement paralysée par ses divisions que la Ve, même en n’oubliant pas ses faiblesses.
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