/ Histoire d’un scandale: la politique du logement au Luxembourg
„(…) der in Luxemburg vollständig in Händen privater Spekulanten befindliche Grundstücksmarkt (wurde) durch entsprechende Ortsgesetze, durch Einrichtung eines städtischen Schätzungsamtes und durch eigene großzügige Grundstückspolitik der Stadt in geordnete Bahnen gelenkt.“ Même si ce texte peut sembler actuel, il a été écrit il y a plus de 75 ans. En 1943, dans le Grand-Duché occupé, l’Oberbürgermeister nazi de Luxembourg-ville, Richard Hengst, décrit ainsi le marché et la politique du logement.
La misère du logement, surtout dans la capitale mais aussi dans les localités industrielles du Bassin minier, était déjà connue à l’époque du premier ministre Paul Eyschen, donc avant la Première Guerre mondiale, comme Antoinette Lorang l’a montré dans son excellente étude „Luxemburgs Arbeiterkolonien und billige Wohnungen (1860-1940)“ de 1994. Mais, comme Hengst l’analysait bien en 1943, le monde politique s’est cantonné il y a 100 ans largement dans une approche de laissez-faire, laissez-aller et la devise reste la même aujourd’hui.
Une devise centenaire: laissez-faire, laissez-aller
L’Etat commence à intervenir sur le marché du logement après la Première Guerre mondiale, mais avant tout dans le domaine qui correspond aux valeurs conservatrices des gouvernements Reuter puis Bech: le soutien de l’accès à la propriété des familles nombreuses. Avec l’aide du Service des logements populaires et du département pour les logements à bas prix de la Caisse d’épargne, 4.000 logements ont pu être construits dans l’entre-deux-guerres. D’autres initiatives comme des mesures contre la spéculation immobilière ou l’amélioration de la situation des locataires, donc des initiatives qui auraient profité aux couches inférieures de la population, échouèrent face à la résistance du lobby, déjà influent à l’époque, des propriétaires.
En 1918, le gouvernement avait invité les communes à s’activer sur le marché du logement notamment en achetant des terrains. Toutefois, Esch-sur-Alzette fut la seule commune à construire des logements en grande quantité avant la Seconde Guerre mondiale. Si l’on ajoute les constructions réalisées par la capitale, Diekirch et Ettelbruck, on arrive au nombre fort modeste de 300 logements communaux.
La Société nationale des habitations à bon marché
Indirectement, l’Etat a agi également à travers la Société anonyme pour la construction des habitations à bon marché, qui vient de fêter ses cent ans. Elle était financée en majeure partie pat l’Etat mais aussi par l’Arbed, les communes de Luxembourg, Hollerich, Esch, Schifflange, Dudelange, Differdange et les entreprises Paul Wurth, Ideal Lederfabrik (Wiltz) et Fonderies Duchscher (Wecker). Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la Société nationale des habitations à bon marché (SNHBM), comme elle s’appelle aujourd’hui, a construit 520 logements, 450 maisons unifamiliales et 70 appartements. Une „tentative de démarrage“, voilà comment l’a exprimé le directeur Henri Frommes en 1939. Vu qu’elle fonctionnait d’après les lois du marché et n’était pas assez subventionnée par l’Etat, la contribution de la SNHBM à la construction de logements sur le plan national resta en-dessous de 10%, loin des 34% de logements construits par des „gemeinnützige Baugesellschaften“ aux Pays-Bas, des 30% en Allemagne ou encore des 25% en Belgique.
Dans le domaine des logements d’entreprise, donc des logements locatifs à bon marché pour les ouvriers qualifiés et les employés des usines et des mines, les sociétés allemandes comme le Aachener Hüttenaktienverein et la Gelsenkirchener Bergwerks AG à Esch, la Deutsch-Luxemburgische à Differdange et l’Arbed à Esch et à Dudelange ont montré l’exemple. Toutefois, concernant l’Arbed, Andrée Mayrisch, la fille d’Emile et d’Aline, qui dirigea le Service social de l’Arbed dans les années 1920, relève que la société met des logements à disposition de 10 à 20% de son personnel et les compare aux 30% du personnel logé par Gelsenkirchen et Krupp dans la Ruhr ou De Wendel en Lorraine. Les sociétés sidérurgiques luxembourgeoises et étrangères restent néanmoins des acteurs privés importants dans la lutte contre la pénurie de logements de 1890 à 1940.
L’ère de la propriété
Après la guerre, la politique publique du logement se concentre encore davantage sur la promotion de l’accès à la propriété pour les familles nombreuses, puis, à partir de 1963, également pour les familles avec un enfant. Or, vu que les primes de construction n’étaient pas liées à l’index des prix ni aux revenus mais étaient fixes, cette mesure excluait de larges couches de la population. Si le nombre de propriétaires a quand même augmenté, c’est surtout dû aux Trente Glorieuses, la phase de prospérité économique entre 1945 et 1975, et à la hausse continuelle du pouvoir d’achat d’un côté, de l’autre au fait que les entreprises sidérurgiques ont elles aussi fait de l’accès à la propriété de leurs ouvriers qualifiés et employés une priorité tout en vendant à bas prix leurs logements d’entreprise après la crise sidérurgique. En combinaison avec l’engagement sur le marché du logement des grandes communes, de la SNHBM ou encore d’acteurs européens comme la CECA, l’après-guerre est devenu l’ère de la propriété.
La part des propriétaires de leur logement est passée de 49% en 1947 à 59% en 1981 et 74% en 1987. Ce taux de 74% a entretemps légèrement baissé d’après le dernier recensement général de 2011, avec 73% de propriétaires, 25% de locataires et 2% qui logent gratuitement, avec toutefois de grandes inégalités selon les nationalités, les catégories sociales et les groupes d’âge.
Les „Trente Splendides“
En ce qui concerne les logements sociaux, la situation ne s’est guère améliorée pendant les Trente Glorieuses, comme le précise l’exposé des motifs de 1977 de la première loi sur le logement depuis 1929: „En 1970 les communes et l’Etat disposaient encore de 2.660 logements locatifs (…), datant presque tous d’avant 1930, visés à disparaître si un important effort de réhabilitation n’y est pas entrepris.“ J’ai eu la chance de grandir dans des logements sociaux, construits même après la guerre, à Esch-Lallange, d’abord rue Portland près de la cimenterie, puis dans la Cité Dr. Schaeftgen près du Cactus, ce qui a favorisé l’intégration et l’ascension de ma famille ouvrière et de moi-même dans la société.
Les dernières trente années représentent au Luxembourg de nouveau, après une interruption de dix ans dans le cadre de la crise sidérurgique, des années de croissance économique exceptionnelle, une période qu’on peut appeler, en paraphrasant Paul Zahlen, les „Trente Splendides“. La population a pratiquement doublé, de 360.000 en 1985 à 620.000 aujourd’hui.
Marché immobilier et logements sociaux: le même scandale
Toutefois, malgré la loi de 1979 concernant l’aide au logement et la création du Fonds du Logement, malgré un département ministériel distinct depuis 1989, malgré le Pacte Logement de 2008, malgré de grands projets publics de construction de logements, l’Etat reste dans l’optique d’encouragements et d’aides et continue à laisser faire et donc à faire confiance au marché. Avec le résultat scandaleux qu’on connaît. Face à la pénurie de logements, il faudrait construire plus de 6.000 logements par an. Or, seulement un peu plus de 3.000 par an sont construits.
Les prix de vente et de loyers grimpent de façon vertigineuse, avec une hausse record l’année dernière, en 2018, de 11%. Le marché immobilier représente une possibilité d’investissement très lucrative pour des promoteurs nationaux et internationaux. La concentration des terrains constructibles disponibles, donc du potentiel foncier, s’est développée à un point tel que, comme le montre une étude d’Antoine Paccoud (LISER), 50% des terrains constructibles sont aux mains de 537 personnes ou groupes alors que les pouvoirs publics ne détiennent que 11% des terrains. A Luxembourg-ville, les Top 10 possèdent 75% des terrains constructibles. Dans la même capitale, les responsables communaux ont toléré et tolèrent, dans une logique néolibérale, que des milliers de logements sont transformés en bureaux, sans autorisations, alors que la loi l’exige.
Une situation indigne d’un pays de l’UE
Pour résumer: la crise du logement actuelle pourrait et devrait être empêchée par les responsables politiques nationaux et locaux. Juste un chiffre: d’après l’Observatoire de l’habitat 50.000 à 80.000 logements pourraient être construits sur les surfaces déjà allouées au résidentiel.
Pour ce qui est des logements sociaux, l’évolution est tout aussi scandaleuse. Il y avait 2.660 logements sociaux en 1970 sur une population de 340.000 habitants. Aujourd’hui, alors que la population a pratiquement doublé et que, comme le montre le dernier rapport du Statec sur la cohésion sociale, le taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale s’élève entretemps à 21% de la population, le pays a connu un recul dramatique de la proportion de logements sociaux par rapport à 1970: 2.904 d’après la Cour des comptes sur une population de 620.000 habitants. Notamment parce que trop de communes refusent de jouer leur rôle social malgré toutes les mesures législatives d’aide prises – mentionnons juste le subventionnement par l’Etat à hauteur de 75% de la construction de logements communaux. 3.000 logements sociaux par rapport à 44.000 ménages en risque de pauvreté, voilà la situation scandaleuse actuelle au Luxembourg, une situation indigne d’un pays de l’Union européenne.
Le Luxembourg doit agir
Les solutions sont connues depuis longtemps et certains modèles de l’étranger ont été présentés les semaines dernières lors de conférences publiques: prendre des mesures contre les fonds d’investissement étrangers sur le marché immobilier (en prenant exemple sur la Lex Koller en Suisse qui soumet toute acquisition d’immeuble par une personne domiciliée à l’étranger à une autorisation administrative), introduire des taxes élevées sur les terrains à bâtir inutilisés et les logements inoccupés (voir „Urban Regeneration and Housing Act“ en Irlande), développer massivement l’intervention publique sur le marché du logement et accroître massivement le nombre de logements sociaux („Wiener Modell“).
Les solutions sont connues. Mais ici, comme pour l’urgence climatique, le Luxembourg a besoin d’une rupture complète avec les politiques historiques de laissez-faire et les logiques néolibérales actuelles.
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Es gibt halt nichts, was es nicht schon gegeben hat. Es scheint extrem schwer zu sein, die entsprechenden Lehren aus früheren Fehlern zu ziehen. Nägel mit Köpfen machen , war anscheinen noch nie eine Luxemburgische Stärke. Eine rühmliche Aussnahme, Victor Bodson, Verkehrs-und Bautenminister mit Weitsicht in den 1950er Jahren.
Besonders muss man die CSV. Darauf hinweisen, dass Wohnungsbau 10 Jahre Chef-JUNCKER-Sache war. Es waren sehr traurige und armselige Jahre!!!