Sondage de l’OGBL / Une femme sur deux victime de sexisme au travail
En amont de la grève des femmes, l’OGBL Equality publie les résultats d’un sondage mené auprès de 684 de ses membres. Ils établissent que 46% d’entre elles estiment avoir déjà été victimes de sexisme au travail. Sur les 46% qui se pensent dans le cas contraire, une part importante a pourtant déjà subi des actes relevant du sexisme. C’est dire s’il y a urgence à agir.
Autant par le type de questions posées que par l’effroi que transmettent les résultats, le sondage publié par le département des Femmes, OGBL Equality, hier sur le sexisme encouru par les femmes au travail peut rappeler l’étude menée sur le racisme anti-noir publiée à l’automne 2018. Les prochains mois diront si elle aura la même capacité à dénouer les langues et à secouer les habitudes.
L’idée de consacrer un tel sondage au harcèlement sexuel et au sexisme au travail remonte à l’automne, lors de l’Orange Week, semaine consacrée à la mobilisation contre la violence faite aux femmes. L’OGBL Equality avait envie de vérifier sinon d’étayer par des données claires et nettes les nombreux retours d’expérience de membres féminins. Il s’agissait de ne pas prendre seulement en compte la version la plus visible du sexisme envers les femmes, qu’est le harcèlement sexuel, mais aussi de s’attaquer à des „formes plus subtiles de sexisme structurel“, selon les mots de la syndicaliste Michelle Cloos, qui forment une autre déclinaison d’un même problème. Ces derniers actes peuvent être des blagues à première vue innocentes, des attaques par petites touches, des sous-entendus hasardeux et autres faux compliments, qui ne font en fait que réduire l’interlocutrice à son genre.
L’OGBL Equality donne à travers ce sondage la parole à un échantillon de 684 travailleuses par l’intermédiaire d’un questionnaire en ligne. Les interrogées proviennent de tous les secteurs d’activité. Mais les secteurs de la santé, des services sociaux et éducatifs (26% des sondées), de l’éducation et des sciences (11%) et du secteur du commerce (8%) sont surreprésentés. 84% des sondées sont dans le plein âge de l’activité, entre 26 et 55 ans. Le syndicat ne prétend pas être un institut de sondage professionnel et a déjà des idées pour améliorer à l’avenir d’autres sondages similaires pour mesurer l’évolution du problème. Toutefois, les résultats de ce ballon d’essai donnent un résultat clair.
Les sondées devaient d’abord déclarer si elles avaient déjà été victimes de sexisme ou de harcèlement. 19% disent avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel et 46%, soit près d’une femme sur deux, déclarent avoir déjà été victimes de sexisme au travail. Ce dernier chiffre dépasse même la barre des 50% lorsqu’on prend en compte la deuxième question soumise aux sondées, à savoir leur exposition à des petits actes dits par „petites touches“, certaines victimes ne s’assimilant pas comme telles. Le sondage permet d’établir des différences entre secteurs: 60% des salariées du secteur des banques et assurances disent avoir été victimes de sexisme, 42% dans l’éducation et les sciences ou encore 35% dans le commerce. L’auteur (ou l’autrice) de ces agissements était un ou une responsable hiérarchique (dans 62% des cas) ou une collègue (55%) mais rarement un.e subordonné.e (3%).
21% des femmes interrogées estiment être très souvent ou souvent victimes de commentaires sur leur tenue vestimentaire et 45% parfois ou rarement. Les fausses rumeurs dégradantes (respectivement 17% et 32%), les blagues sur les menstruations (12% et 29%), des touchers non consentis de leur corps (11% et 32%) ou encore des surnoms réducteurs, infantilisants ou sexistes (10% et 29%) sont autant de manières de se sentir discriminées au travail.
Une femme sur trois sent une différence de considération par rapport à ses homologues masculins, que cela se traduise par un blocage dans l’évolution de carrière, une capacité de jugement remise en question ou encore une vision réductrice de la capacité de résistance au stress des femmes. Et tous ces actes ont aussi des conséquences sur le bien-être ou la santé des victimes qui se traduisent par des maux de ventre, des troubles du sommeil, de l’anxiété ou encore une envie de démissionner.
Point d’écoute
Le sondage explore aussi la réaction des victimes de sexisme. Ses résultats traduisent le manque de sensibilisation au sujet. 63% des victimes en ont parlé à une ou un collègue, mais seulement 28% en ont parlé à leur direction. Et quand elles en parlent, les mesures mises en place pour les protéger sont au mieux mineures au pire inexistantes. Il y a ainsi plus de femmes qui ont pensé à la démission (37%) qu’il n’y en a qui sont allées voir leur direction. Et seuls 3% des femmes ont fait appel à la justice. Finalement, 76% des victimes ne se sont pas senties soutenues moralement et 90% en pratique.
„Ce sondage confirme clairement les témoignages de nos membres et des délégués“, observe Michelle Cloos. „La subjectivité y prime, mais elle est importante. Le problème est là. Il est réel. Et nous devons nous en occuper ensemble.“ Le sondage est une contribution à la prise de conscience. Mais il faut faire davantage et créer un climat de confiance dans lequel les femmes victimes de sexisme peuvent témoigner. Cela peut passer par des chartes contre les discriminations, les plans à l’égalité ou les conventions collectives.
C’est à travers un changement de culture au sein de l’entreprise que l’OGBL Equality espère agir sur „[ce] malaise important dans le monde du travail“ que dévoile son sondage. Mais elle ne se fera pas sans la formation des salariés, du délégué à la sécurité comme au top manager ni sans l’établissement de procédures claires et identifiables pour dénoncer les agissements sexistes. Il s’agit de dissuader les actes en déliant les langues et en permettant une véritable prise en compte au sein de chaque entreprise des cas de sexisme.
„Au fond, l’égalité, personne n’est contre, mais elle n’est jamais ressentie comme une urgence“, constate Michelle Cloos. „Or ça touche les femmes et devrait devenir une urgence permanente. L’égalité ne peut pas toujours être différée.“ L’OGBL Equality ne manque pas de souligner que le sexisme peut aussi toucher les hommes et qu’un sondage à ce sujet permettra dans le futur de mesurer l’envergure du sexisme en général.
„Je ne peux pas, j’ai grève“
Tel est le slogan de la grève des femmes organisée le 8 mars. A cette occasion, l’OGBL publie un guide pratique qui explique comment participer à cette manifestation. Comme l’explique Catherine Molitor, vice-présidente d’OGBL Equality, il s’agit à la maison de dire non aux tâches ménagères, à la garde des enfants ainsi qu’aux activités de soin et d’assistance, le plus souvent dévolues aux femmes.
Au travail, il existe plusieurs manières d’agir. Le premier choix consisterait à organiser ce jour-là un moment d’échange et de convivialité telle une assemblée plénière des femmes permise par le Code du travail. Mais la mobilisation peut aussi consister en „une manif au bureau“ par des drapeaux ou des affiches, par une grève vestimentaire, en s’habillant en mauve ou en épinglant un badge „Grève des femmes“. Par des réponses automatiques en mentionnant dans ses mails la manifestation. Cela peut aussi prendre la forme d’un sondage au sein de l’entreprise sur les conditions des femmes. Il est aussi possible de négocier un droit de grève temporaire ou une pause prolongée avec son patron. Et enfin, cela peut prendre aussi des formes plus originales comme la grève musicale consistant à jouer la playlist mise à disposition par la plate-forme JIF.
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