/ A bout de souffle: Un livre à choix multiples sur la connerie du travail contemporain
„Burn out“ est une charge contre le néolibéralisme sauvage et se présente comme un de ces livres d’aventures où vous décidez vous-même de la suite des choses. En sachant que les pièges mortels sont nombreux et qu’il vous faudra affronter l’humour noir des deux auteurs.
„Un job à la con est une forme d’emploi rémunéré qui est si totalement inutile, superflu ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence.“ C’est par toute une flopée de citations sur le monde du travail (dont celle que vous venez de lire, qui est de David Graeber) que commence „Burn out“, ce livre où vous incarnez vous-même l’anti-héros dubitatif, un dénommé Arthur qui travaille pour le siège social d’une entreprise et dont la mission sera d’accompagner France Cravate dans sa nouvelle stratégie de vente.
Ce sera à vous de guider les choix d’Arthur en opérant pour lui des choix (professionnels, culinaires, relationnels) et d’affronter les nombreux dangers de la vie professionnelle: l’ennui, les collègues insupportables, le licenciement, le team building, la folie ambiante, l’intoxication alimentaire à la cantine ou encore les réunions insupportables au cours desquelles il vous faudra parler de sujets que vous ne maîtrisez aucunement.
Dès le départ, Paul Bianchi et Thomas Gayet vous mettent dans le bain: vous êtes Arthur Perrault, vous avez 38 ans et déjà 15 ans d’expérience professionnelle. „15 ans de trop, peut-être même 38 d’ailleurs, allez savoir? Vous n’en pouvez plus. Ras-le-bol du non-sens ambiant, des présentations PowerPoint interminables où l’on vous remercie pour l’attention que vous n’avez pourtant absolument pas portée au dossier, des feuilles de calcul Excel labyrinthiques, des process qui complexifient tout, des projets aux deadlines dépassées d’avance (…), de ces acronymes imbitables qui ont remplacé les mots, de cette novlangue française qui a remplacé le langage.“
Pastiche et humour (très) noir
La forme retenue pastiche ces romans d’aventures pour jeunes où il vous faut prendre des choix, chaque choix correspondant à un numéro de chapitre où il vous faudra vous rendre pour continuer la lecture, ces choix continuant alors l’intrigue d’un texte à choix multiples qui se ramifie toujours plus profondément jusqu’à ce que vous tombiez ou bien sur un happy end ou sur un piège qui termine l’aventure.
Le monde du travail contemporain étant truffé de pièges très contemporains eux aussi, il se peut donc que vous perdiez votre travail, votre dignité (celle-là, on la perd souvent dès l’entretien d’embauche), votre épouse et/ou vos amis.
Parfois, vous tombez dans la dépression et la misère, parfois, plus rarement pourtant, vous vous en sortez, une des règles en or étant que plus le choix vous paraîtra raisonnable, plus les chances augmentent que vous finissiez licenciés, les auteurs signalant ainsi l’absurdité d’un monde du travail réglé selon des lois immondes, inhumaines et incompréhensibles.
L’humour noir et la parodie vous accueillent dès le chapitre zéro: „Douche express, shampooing antipelliculaire, café: Arthur, il faut vous rendre au travail. Conf call dans une heure. Si vous avez envie d’aller travailler, RDV en 1. Si vous n’avez pas du tout envie d’aller travailler, RDV quand même en 1, le loyer ne va pas se payer tout seul.“
Hélas, certains des choix, dans les ramifications de l’histoire, sont mal programmés, les auteurs s’étant eux-mêmes perdus dans les dalles des couloirs de France Cravate – certains chapitres valant pour plusieurs scénarios ou ramifications possibles, il se peut qu’on vous donne une information qui ne fait pas du tout partie du chemin narratif que vous avez retenu.
Par ailleurs, les ressorts narratifs et humoristiques se suivent et se ressemblent et si l’idée de départ reste fraîche et percutante, on aurait aimé une critique plus approfondie, un humour qui recoure à plus de variété et, surtout, un style un chouïa plus maîtrisé.
Reste un bouquin insolent et divertissant, dont on retiendra surtout l’idée de départ et son glossaire de novlangue managériale(*), où le panache des deux auteurs se concentre au mieux.
(*) Morceaux choisis: „EVG. Enterrement de vie de garçon. Moment initiatique consistant à être saoul pendant 48 heures et à dégrader la réputation d’une ville par votre seule présence.“
„n+x. Supérieur hiérarchique. Votre n+1 est votre supérieur hiérarchique direct. Votre n-1 est votre inférieur hiérarchique direct (pratique si vous avez des photocopies à faire).“
„PMO. Project manager officer. Il réalise des missions de structuration et d’assistance au pilotage de projets et a souvent envie de mourir.“
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