Festival de Wiltz / Chrysalide gracile: Les eighties selon Birdy
Birdy s’est fait connaître avec ses ballades folk dépouillées. Si ses premiers disques s’ancraient
dans les seventies, mais surtout dans l’atemporalité, avec son dernier, „Portraits“, le papillon
s’envole vers les eighties. Elle est en concert lors du Festival de Wiltz, ce lundi 15 juillet. Focus.
Les années 1980 semblent n’être jamais parties: si elles avancent droit devant le futur, le futur n’a pas arrêté d’y revenir. Ce sont les années technologiques. Il y a les one-hit wonders („Tes états d’âme… Eric“ de Luna Parker, une flopée de tubes italo-disco, „Partenaire particulier“ de Partenaire particulier), comme il y a les groupes, tenaces, qui survivent à la décennie et même au changement de siècle (The Cure, The Jesus & Mary Chain, Pet Shop Boys, Echo & The Bunnymen). Et il y en a d’autres qui tiennent le coup, au niveau de la longévité, autant que sur le plan artistique (Depeche Mode, Sonic Youth). Il y a aussi ces pépites qui sont, chaque jour, dénichées de sous-terre ou redécouvertes (Stockholm Monsters, Epic Soundtracks, Ensemble Pittoresque, les invectives synthétiques d’Anne Clark) et ce, par l’entremise des disquaires, des blogs, des réseaux sociaux, ou d’artistes contemporains qui les citent en tant que références. Il y a la réhabilitation de groupes raillés à l’époque, et fort goûtés aujourd’hui, au premier degré, aussi parce qu’ils possèdent cette saveur propre aux eighties, celle d’un futur fantasmé qui appartient au passé.
Depeche Mode, en son temps, pouvait générer moult sarcasmes; certains les rebaptisaient, avec un sens aigu de la vulgarité et de l’homophobie „Des Pèdes Moches“, alors qu’au tournant du nouveau siècle, le groupe anglais est adulé à l’unanimité, aussi bien par les producteurs électro les plus pointus, que par une légende country telle que Johnny Cash (jusqu’à même reprendre „Personal Jesus“). Les réhabilitations ne cessent enfin, par le biais de l’image, publicités, films ou séries, à l’instar de Kate Bush, dont le „Running Up That Hill“, qui date de 1985, est redevenu un tube en 2022, par sa synchronisation dans la série à succès „Stranger Things“. C’est un fait, indéniable: les années quatre-vingt riment bien avec les années deux-mille vingt.
Du folk dépouillé aux eighties synthétiques
Birdy, Jasmine van den Bogaerde pour le civil, porte le même nom que le film d’Alan Paker, sorti
pile au milieu des eighties (1985). Sa musique, celle de son dernier album „Portraits“, vient de là, du cœur des années 1980. Mais il s’agit, en réalité, d’un changement de forme, pour la Birdy d’avant, un papillon qui n’était pas une chenille pour autant. Le temps a son importance dans l’œuvre, précoce, de Jasmine. A huit ans, au piano, elle compose déjà ses premiers morceaux. Elle remporte le concours de musique Open Mic UK à l’âge de douze ans, en y interprétant „So Be Free“, une chanson de sa propre création. A l’exception de „Without a Word“, „Birdy“, son premier opus sorti en 2011, est constitué de reprises. La particularité, c’est que ce sont des relectures de morceaux, non pas anciens, mais récents – „Terrible Love“ de The National, „Shelter“ de The XX ou „1901“ de Phoenix. Comment digérer une chanson contemporaine pour se l’approprier avec panache? Birdy ne perd pas de temps; elle a de la suite dans les idées. Les disques suivants, „Fire Within“ (2013), „Beautiful Lies“ (2016) et „Young Heart“ (2021), versent dans la folk-pop à l’anglaise. Sur „Young Heart“, très folk-soul et inspiré par Nina Simone ou Joni Mitchell, Birdy revient sur une rupture, peut-être autant pour revivre une histoire d’amour terminée, que pour en faire, définitivement, le deuil. Le dépouillement est, intrinsèquement, lié à la mise à nu. Avec „Portraits“, la rupture est musicale.
Place aux années 1980 donc. Des années que l’artiste n’a pas connues, puisqu’elle est née en 1996. Il s’agit alors de mêler son imagination à une certaine réalité, que la musique se charge d’immortaliser. Et ainsi de ressentir de la nostalgie pour une époque fantasmée. La musique est un voyage dans le temps. Sur „Portraits“, il y a „Your Arms“, une ballade au piano qui, en plus d’être la marque de fabrique de Birdy, est le genre de chanson sans âge. Mais plus largement, dans le disque, la production suinte les eighties, par tous les pores des instruments, des sonorités. La batterie, les percussions, les boîtes à rythmes, en fait tous les pouls nous replongent dans cette décennie, vécue ou juste imaginée; l’auditeur, aussi, peut ressentir cette nostalgie fantasmée. Il y a ces synthés, parfois dégingandés, qui serpentent les titres, une certaine amplitude sonore, un minimalisme grandiloquent. Et il y a cette voix qui entonne des mélodies, cette bouche avec le sourire inversé, à la Siouxsie, ce grain qui roucoule jusqu’à flirter avec le falsetto. Un chant qui ne s’empêche pas d’être lyrique et qui tutoie, par endroits, l’androgynie. Sur „Raincatchers“, les violons anticipent les baguettes mécaniques, comme des tirs en arrière-plan.
Et là, il y a de quoi tilter: la machine à remonter le temps s’arrête sur le „Hounds of Love“ de Kate Bush. Si The Smiths composaient des chansons atemporelles, ou classic pop, donc inusables, Kate Bush est d’avant-garde; il y a de quoi se servir, dans „Hounds of Love“, grâce à son foisonnement de textures sonores; le réservoir à idées ingénieuses est inépuisable; il faut même du temps pour savourer ce mille-feuilles couche par couche. Kate Bush qualifie le disque, comme elle le chante dans „Running Up That Hill“, de „deal with God“ et il s’avère que Birdy va également dans cette direction, en chantant souvent la foi. L’écho d’Echo & The Bunnymen, le Bowie eighties, Cocteau Twins, ou d’autres noms peuvent résonner à l’écoute de „Portraits“, qu’il s’agisse de fantasme ou de réalité. Les années quatre-vingt ne sont ni fragiles ni éphémères comme un papillon. Dans ce qu’elles offrent de meilleur, elles possèdent la grâce de Birdy.
Birdy à Wiltz
Birdy, le 15 juillet à partir de 19 h à l’Amphithéâtre à Wiltz; plus d’informations sous: festivaldewiltz.lu
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