Exposition / „Hors-d’œuvre“ au Cercle Cité: Nourritures spirituelles
Le Cercle Cité à Luxembourg propose une plongée sélective dans la manière dont l’alimentation peut nourrir les artistes contemporains.
Depuis le 6 octobre dernier, le Lëtzebuerg City Museum propose l’exposition „All you can eat“, dédiée à la nourriture et aux rapports que l’homme entretient avec elle dans une perspective historique. On ne sera donc pas étonné que le Cercle Cité consacre à son tour une exposition à la nourriture, puisque les deux institutions appartiennent à la même crèmerie: la ville de Luxembourg. La directrice artistique du Cercle Cité depuis le mois de juin dernier, Anastasia Chaguidouline, a eu l’idée de rapprocher sa programmation de la programmation et des collections des deux musées de la ville de Luxembourg. Mais ce n’est pas moutarde après dîner pour autant.
D’abord, la curatrice, dans cette exposition très personnelle, n’a pas voulu d’un mélange des genres et tenait à ce que l’exposition se concentre sur une approche contemporaine. Elle voulait montrer comment les artistes contemporain(e)s travaillent avec le motif et le perçoivent souvent comme une métaphore pour exprimer des questions de répartition des richesses, de surconsommation, d’écologie ou encore de genre. Elle n’a pas voulu du tout-venant, ni d’une approche historique, comme celle qu’avait pu avoir le musée Tinguely de Bâle avec l’exposition „Amuse-bouche“, alors qu’elle y officiait encore comme médiatrice. Le nom donné à l’exposition, „Hors-d’œuvre“, traduit à la fois ce renoncement à l’exhaustivité, mais aussi une sélection de choix.
Anastasia Chaguidouline voulait que différents supports soient représentés. C’est pourquoi elle a pensé faire appel à l’artiste Jieun Linn, qui aimer jouer avec les traductions entre différentes langues et le sens qui se perd par la même occasion. Au Cercle Cité, elle reprend sous forme de néons, qui rappellent plutôt les Etats-Unis des années 60, la traduction d’une phrase coréenne „dried squid, cold beer and peanuts“, tiré du film de Hang Sang-soo „Le pouvoir de la province de Kangwon“. Cela a rappelé à la commissaire le régime à base de poisson séché de camarades d’études chinois. Elle est allée chercher la pièce au musée contemporain d’Eupen (IKOB), où l’artiste a reçu un prix d’art féministe, alors qu’elle était membre du jury.
Dans la même et petite salle, la plus intimiste, l’exposition accueille également, en prêt du Mudam, une des deux séries photographiques réalisées par l’artiste luxembourgeoise Simone Decker pour la Biennale de Venise en 1999. La série baptisée „Chewing in Venice 2“ joue avec les échelles pour faire croire à de grandes installations à base de pâte à mâcher dans les rues de la Cité des Doges. L’opération cache en fait des mini-sculptures en chewing-gum, qui, par l’effet d’un „photoshop artisanal“, gagnent l’éternité sans avoir jamais existé in situ.
Dangereuses tablées
Plus loin, Ugo Li, artiste parisien déjà exposé à la galerie Reuter Bausch toute proche, réactualise les natures mortes par la représentation de banquets, en jouant avec les clichés qui entourent l’art culinaire français en général et la table parisienne en particulier. Ces banquets en apparence joyeux recèlent aussi leur part d’étrangeté, par la présence d’une chaise vide ou de mains qu’on dirait appartenir à des personnes réfugiées sous la table. Ce faisant, il nous rappelle que la table est un lieu de partage, mais peut-être aussi un endroit de possible dissension. On oscille entre l’idéalisation et le catastrophisme avec des clins d’œil comiques ou ironiques.
Trixi Weis est, avec Ugo Li, la seule artiste à avoir produit des œuvres pour les besoins de cette exposition. L’artiste eschoise est d’abord présente par une petite sculpture faite dans le prolongement, qui dérive d’une exposition baptisée „Empty emptiness“ à Dudelange en 2021. Dans le Sud, elle avait produit des petites maisons, télés et voitures en fondant, dont elle filmait l’explosion. L’artiste aux mille petites histoires faisait sourire, ce faisant, de l’addiction à la consommation dans la société capitaliste et de la production de déchets par les consommateurs luxembourgeois. Dans la capitale, avec une réplique d’une maison en sucre, elle rappelle que beaucoup de gens, dans le pays, bien qu’ils aient de belles maisons et de belles voitures, se nourrissent mal.
Trixi Weis a aussi créé un nouveau concept hilarant pour l’exposition, sauf, sans doute, pour qui a dû faire le ménage après le vernissage: des verres à demi-plein. Elle évoque avec ce „verre de crise“ la disparition de la classe moyenne, l’inflation et les incantations à travailler plus pour gagner moins. Le liquide devient si précieux qu’on ne le boit que dans des verres à moitié plein, qu’elle a fait découper dans des verres en plastique qui rappellent la société de consommation (on peut les acheter 20 euros les 4). On ne peut pas en boire de grandes gorgées. On apprécie le peu qu’on a, à petites lapées, sans pouvoir trinquer, puisqu’il n’y a pas vraiment lieu de fêter.
À l’inverse de ces „economic glasses“, l’artiste d’origine alsacienne Florence Haessler célèbre la douceur de vivre au Luxembourg, avec un triptyque représentant des bonbons et chocolats qui l’accompagnent tous les jours et dont les couleurs respectives forment le drapeau luxembourgeois. L’artiste-peintre travaille sur photo et fait ressortir sur la toile les détails auxquels on ne prêterait pas garde si on restait au format photo. Elle passe quatre mois sur chaque tableau, au petit pinceau, par petites touches, et le résultat est tel qu’on croirait voir, dans ses œuvres, des photographies. D’ailleurs, lors du dernier salon du Cercle artistique du Luxembourg, la bourgmestre en personne, Lydie Polfer, a été saisie par cette vraisemblance. Et quelques minutes plus tard, le triptyque „Sweet Luxembourg“ était la propriété de la capitale, raison pour laquelle il figure en bonne place dans l’exposition.
Jusqu’au 21 janvier 2024. Programme: cerclecité.lu
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Hors d’oeuvre, virwat nët gläich “ kale Plat „? Ech gesi nët an, virwat e Könschtler, säi Bild, säi “ Wierk “ des Laangen an des Breeden erkläre muss.
Suggestion au formateur. Pourquoi ne pas crééer un ministère “ nourritures spirituelles“?