/ Inside Van Gogh: Julian Schnabel signe un drame lumineux sur les derniers jours du peintre à Arles
Dans „At Eternity’s Gate“ le peintre et cinéaste Julian Schnabel livre un voyage holistique, au cœur de l’âme et de la créativité artistique. Le Tageblatt a récemment rencontré le réalisateur à Bruxelles.
De Corinne Le Brun
A Paris, Vincent van Gogh (Willem Dafoe) est dans un état de désespoir frénétique. Il rencontre Paul Gauguin (Oscar Isaac), qui lui conseille de partir dans le sud du pays. Lorsqu’il arrive à Arles, en campagne, il se sait chez lui. Des fleurs, des champs de blé, des vignes, des cafés, des chaises, des chaussures, des nuits étoilées et lui-même, L’artiste néerlandais peint 75 tableaux en 80 jours. Mais ce qu’il peint vraiment, c’est la lumière qui rebondit sur ces objets et les ébranle. Il veut en connaître chaque reflet.
Julian Schnabel s’empare de cette lumière aveuglante. Il la glisse dans le corps et l’esprit du peintre. Sa caméra virevoltante suit Van Gogh alors qu’il se promène dans les champs de blé, chevalet en bois sur le dos, les bras tendus, vers le ciel. Il sourit. Il est radieux. Traversé par la béatitude, il désire se fondre dans la terre.
Pendant près de deux heures, Schnabel veut imaginer à quoi ressemble vraiment Van Gogh, chasseur de lumière et de beauté. S’il s’est inspiré des lettres que le peintre a écrites à son frère Théo, Schnabel imagine des dialogues avec Jean-Claude Carriere et Louise Kugelberg. Il laisse libre cours à ses propres impressions. Les scènes imaginaires sonnent juste. Elles vont droit à la vérité de l’artiste, son irrésistible ascension vers la „lumière divine“.
Un voyage holistique
En tant que peintre, le réalisateur est fasciné par la manière dont Van Gogh mélange ses couleurs et par le plaisir physique évident qu’il prend dans ses coups de pinceau. Schnabel livre un voyage holistique, au cœur de l’âme et de la créativité: les sons, les couleurs, la lumière inondent le spectateur, plongé dans la „totalité“ Van Gogh.
Willem Dafoe, qui incarnait Jésus dans „La dernière tentation du Christ“ de Martin Scorsese (1988), est un Van Gogh magnifique d’humilité, d’agonie transfigurée. Le comédien était en lice à l’Oscar du meilleur acteur. Il a été récompensé par le prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise.
Julian Schnabel est considéré comme une superstar de l’art américain. Ses films „Basquiat“ (1997) et „Le scaphandre et le papillon“ (2007) ont été primés. Coté peinture, ses œuvres ont fait l’objet de nombreuses rétrospectives, notamment à la Tate Gallery (Londres), au Whitney Museum of American Art (NY), Palais des Beaux-Arts (Bruxelles), Centre Pompidou et tout récemment au Musée d’Orsay. „Hector“ (1989), œuvre sur bâche brute, est exposée dans la collection Mudam à Luxembourg-ville.
Info
„At Eternity’s Gate“ de Julian Schnabel.
Avec: Willem Dafoe, Ami Rupert, Oscar Isaac, Mads Mikkelsen, Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Niels Arestrup.
En salle au cinéma Utopia.
Quatre questions à Julian Schnabel
Tageblatt: Qu’est-ce qui vous a inspiré à faire un film sur Van Gogh?
Julian Schnabel: Au départ, je n’étais pas vraiment enthousiaste. Il y a tellement eu de récits sur Van Gogh qu’un nouveau film n’était pas nécessaire. Lors d’une exposition au Musée d’Orsay*, le scénariste Jean-Claude Carrière et moi discutions de l’autoportrait de Van Gogh de 1889 et savions comment aborder le film. Au lieu de faire un récit ou une biographie, nous avons inventé des scènes comme si on regardait 15 toiles de l’artiste. Nous avons écrit des dialogues qui auraient pu se produire à l’époque.
Jean-Claude Carrière voulait aussi absolument faire parler Van Gogh de Shakespeare. Nous sommes allés dans sa maison jaune à Arles, nous avons regardé les arbres, les champs. Nous avons senti le vent, le soleil. Nous sommes allés dans l’asile où il a vécu. Nous avons filmé avec de vrais patients qui ont beaucoup contribué au film. Tout est vrai. Ce que j’ai inventé l’est aussi.
Vous abandonnez l’image tourmentée de Van Gogh au profit d’une vision plus „positive“. Pourquoi?
Il était méconnu, un peu fou. Nous nous sommes écartés de cette image. Il a réalisé ses œuvres pour l’éternité. Sa toile „At Eternity’s Gate“ décrit un vieil homme déprimé assis sur une chaise. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle nous avons repris ce titre pour le film. Nous l’avons appelé ainsi car Van Gogh sait où il va. Il est ultra-lucide. Il se résout à peindre car c’est le sens de sa vie. En peignant, il est en pleine conscience. Quand il est en contact avec la terre et la nature, il est au comble de la joie. Je montre que Van Gogh est un homme littéralement amoureux du monde de la transcendance de la nature, qu’il considère comme sacrée.
Willem Dafoe, 63 ans, est beaucoup plus âgé que Van Gogh, décédé à 37 ans. Ce n’était pas un obstacle?
Et alors? N’est-il pas un grand acteur? Je ne pouvais pas imaginer quelqu’un d’autre parce qu’il est la personne parfaite pour incarner Van Gogh. Il s’est converti en Van Gogh. Je lui ai donné quelques leçons de peinture, comment utiliser un pinceau. Quand je le devais, je peignais également. Mais il a peint beaucoup lui-même. Willem Dafoe joue son rôle le plus important depuis Jésus-Christ („La dernière tentation du Christ“ de Martin Scorsese). On se connaît depuis 35 ans. Il a aussi joué dans mon film „Basquiat“.
Depuis le film, vous sentez-vous encore plus proche de Van Gogh?
Absolument. J’ai beaucoup appris sur sa manière de peindre. Par exemple, savez-vous qu’il a fait des copies de ses peintures? „Les Tournesols“ est le nom donné à une série de sept tableaux qu’il a peints à Arles en 1888/89 et dont les trois derniers sont intitulés „Répétitions“. Dans la maison jaune, madame Ginoux posait pour Gauguin. Van Gogh s’est mis à peindre en même temps. Il a même réalisé plusieurs portraits de la femme sur base des dessins de Gauguin. C’est très humble de sa part. Tout est prétexte à peindre. Y compris une paire de chaussures qu’il peint comme s’il s’agissait d’objets d’émerveillement. J’aime les peintures de Gauguin mais je m’identifie plus à Van Gogh.
* Julian Schnabel a exposé une sélection de ses tableaux au Musée d’Orsay à Paris. „Orsay vu par Julian Schnabel“ a eu lieu du 10 octobre 2018 au 13 janvier 2019.
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