/ L’art optique de Vasarely: l’instabilité du regard
Vasarely (1906-1997), entré dans l’histoire avec son invention de l’art optico-cinétique, ayant eu la volonté d’exporter son art comme une marque de fabrique au langage universel, oublié depuis, peut-être à cause de la propension de son œuvre à envahir de multiples territoires sur le mode de la série, revient en force au Centre Pompidou.
De notre correspondante Clotilde Escalle, Paris
Cette exposition rétrospective, à la fois chronologique et thématique, nous permet de reconsidérer l’œuvre de Vasarely, de lui redonner sa dimension visionnaire quant au pressentiment d’une époque vouée à la consommation de l’art et à sa marchandisation. Et même si cette œuvre paraît aujourd’hui datée, le concept qui en découle semble tout à fait approprié, celui d’un „folklore international“ basé sur des éléments parfaitement identifiables, un abécédaire renouvelable à l’infini à partir d’unités simples.
En réalité ce langage mondial n’est pas aussi facile à établir, même si l’on voit de nos jours une certaine standardisation de l’art contemporain, en cela Vasarely ne s’est pas trompé. L’exposition a également le mérite de remonter aux sources de la création de Vasarely, nous permettant de comprendre l’évolution de son travail, d’en saisir les moments charnières, à une époque où l’art est en mutation profonde. Car si nous retenons surtout de Vasarely sa période d’extension pendant les années 1960 et 1970, dans le domaine à la fois graphique, publicitaire, artistique, de la mode, du design, de la télévision et du cinéma – c’est dire son rayonnement, jusqu’à une certaine forme de saturation –, nous savons moins comment il en est arrivé là.
Le cinétisme
Vasarely est né en Hongrie en 1906. Il a été l’élève de Sándor Bortnyik, ancien élève lui-même du Bauhaus. Il s’installe à Paris en 1930 et excelle comme graphiste publicitaire. Le mouvement le préoccupe déjà, il le recherche dans la série des Zèbres (1936-1938), où la vision doit s’accommoder de hachures. Il crée des pièges visuels grâce à des procédés illusionnistes.
Vasarely est requis par le temps d’accommodation de la vision, ce temps de latence où l’image bouge, il l’est également par la diffraction de la lumière sur des galets roulés par la mer, pour la série Belle-Isle, comme il le sera tout autant par les craquelures des carreaux de céramique du métro, ce sera la série Denfert, ou par les contrastes d’ombre et de lumière, les brisures et les angles vifs, du village provençal de Gordes où il résidera.
Sensible au mouvement, aux images flottantes, il s’efforce de faire bouger la surface de la toile, sur le mode de l’abstraction, une abstraction jusqu’alors restée fixe. La perception s’attache moins à l’architecture du lieu, qu’aux ondulations et aux vibrations de la lumière et de l’espace. C’est en rapport étroit avec la science, la mécanique ondulatoire du physicien Louis de Broglie, que Vasarely invente le terme de cinétisme, en l’empruntant à Sadi Carnot et à sa thermodynamique des gaz.
Un espéranto de l’art
L’Op Art ou art optique est né dans les années 1960, Vasarely en est le père. Pour y parvenir, quelques dix ans auparavant, Vasarely travaille en noir et blanc et met, pour „Naissances“ (1958), l’espace de la toile en mouvement. Le noir et le blanc permettent une double lecture de l’ensemble des réseaux abstraits mis en place, ainsi peut-on les voir comme blancs sur fond noir et inversement. Vasarely joue avec l’instabilité de la vision pour dilater des formes jusqu’au vertige.
L’Op Art est partout, il envahit toutes sortes de supports. Pochettes de disques, notamment celle d’un album de David Bowie en 1969, décors pour la télé, couvertures de livres, tout est prétexte à une œuvre qui serait une sorte d’espéranto de l’art. Ce langage commun, Vasarely le fabrique à partir d’unités de base, colorées, interchangeables et modulables à l’infini. Ce lexique se compose de six formes géométriques simples incrustées dans des carrés de couleur pure.
Vasarely prône la „convergence de toutes les formes créatrices vers une civilisation-culture à l’échelle de la terre“. L’art pour lui devient un „trésor commun“. Dans cette exposition, un décor reconstitué apparaît fortement daté, depuis cette atmosphère des années 60-70, il s’agit de la salle à manger du siège social de la Deutsche Bundesbank, Francfort-sur-le-Main (1972). L’ensemble est à la fois désuet et impressionnant, tant on y retrouve une atmosphère de banque et de lieux publics d’une certaine époque, ainsi que celle de certains films.
Vers des rêveries cosmiques
Et l’on voit à quel point Vasarely a inspiré, influencé nombre de créateurs. Les disques monumentaux qui servent de décor sont striés horizontalement ou verticalement, de manière à accrocher la lumière qui entrait par une large baie vitrée. Cet espéranto, les années 70 s’en servent largement. Vasarely ira jusqu’à concevoir le fameux logo de Renault, et ses formes se répandront jusque dans les devantures des vitrines.
„On vend du Vasarely au mètre dans les grands magasins“, écrit-on dans la presse. Ce à quoi Vasarely répond: „Je ne suis pas pour la propriété privée des créations. Que mon œuvre soit reproduite sur des kilomètres de torchon m’est égal! Il faut créer un art multipliable.“ Soit de la Pop Abstraction jusqu’à saturation.
Vasarely a poursuivi son idée d’un art dans la ville, sous toutes ses formes. Le chantier de la cité universitaire de Caracas, en 1954, lui a offert l’opportunité d’une intégration architecturale en milieu urbain, mais aussi la gare Montparnasse à Paris, la Régie Renault de Boulogne-Billancourt, et plus tard Aix-en-Provence, avec son projet ambitieux d’une Fondation Vasarely. Ces formes ont été si bien intégrées qu’elles semblent dans un chatoiement atemporel, un effet de la lumière dans ce qui a été conçu comme un piège optique.
La dernière section de l’exposition est celle qui vibre le plus. Les œuvres nous ouvrent à des rêveries cosmiques. Des mondes nous échappent, voués aux ondes, à la relativité. L’espace se dilate de manière hypnotique, il est moins instable, plus lisible. Nous nous abandonnons au flottement spatial, pris par des volumes qui semblent saillir ou s’infléchir. En approchant de la toile, nous remarquons combien elle est de facture lisse, fragile, comme une fine membrane. Les Polychromies multidimensionnelles, par leurs courbes, vibrations et couleurs, nous emportent dans un au-delà du monde.
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