„Empire of a Faun Imaginary” de Simone Mousset / Le chant des possibles
„Empire of a Faun Imaginary“ est une immersion sonore et visuelle dans un monde étroit et menacé que seule l’imagination peut sauver.
Dystopie, uchronie, utopie. On ne sait pas très bien face à quel genre de narration l’on se trouve quand débute „Empire of a Faun Imaginary“. Mais on se rend rapidement compte que c’est égal et qu’il faut se laisser happer dans ce monde lointain et pourtant familier dans lequel nous immerge ce dernier projet de Simone Mousset, présenté ce week-end au théâtre d’Esch dans le cadre d’Esch2022.
C’est un spectacle né du confinement, et on le ressent surtout par la petitesse et la répétition du monde qui nous est montré, délimité par des roches volcaniques et un sol en mousse rose, dans lequel évoluent quatre êtres, mi-animaux, mi-hommes, les yeux cernés de bleu, les jambes ostensiblement velues. Chacun émet un son différent, qui prête d’abord à sourire. Dans cette pièce qui mise beaucoup sur la voix, avec des moyens d’amplification de très grande qualité, les trois danseuses et le danseur chantent aussi en quartet. On croirait assister à des rituels, à une communion de ces êtres.
Le spectacle pourrait paraître espiègle et ludique, tel le portrait cocasse d’un quotidien routinier, s’il n’y avait pas ces menaces qui reviennent sous différentes formes sonores. C’est du ciel, qui semble inversement immense, source d’espoir comme de fléau, que proviennent les sons d’aéronefs, d’orages ou de bruits non identifiés, prélude aux secousses qui saisissent subitement les corps.
Expérience en cours
„Empire of a Faun Imaginary“ est le résultat d’une rêverie, des mystères ressentis par la chorégraphe plongée dans l’isolement du confinement. Face au vide et au silence, elle s’est demandée comment l’imaginaire peut rejaillir et redéfinir le quotidien. Le cri est la solution primale et les animaux blessés qui se muent parfois en demi-dieux solaires en poussent de nombreux dans la pièce. Les danseurs prennent un plaisir évident au rôle de composition (qu’on imagine inédit) que leur propose Simone Mousset. Ils accompagnent avec détermination le thème de la fin imminente et de la possibilité d’une rédemption. L’arrivée d’un mammouth, incarnation de l’extinction ou faune d’un nouveau genre, vient transformer de nouveau cet univers fragile et déclencher de nouveaux comportements. Les roches de mousse rose trouvent un nouvel usage, étrange.
Simone Mousset parle d’une pièce alchimique et on a parfois l’impression d’assister à une expérience en train de se faire. Elle parle de magie et de processus de transformation et de combinaison. Elle se demandait s’il était encore possible de faire preuve d’imagination, dans le train lancé à deux cents à l’heure qu’est la vie moderne. Sa pièce en est la démonstration. C’est une rêverie oscillant entre espoir et désespoir, angoisse et rédemption, rires et larmes. C’est une expérience sonore et visuelle qu’on imagine perçue différemment en fonction des régions et des saisons qu’elle traversera. Après son séjour de trois jours (amputée de deux représentations pour cause de blessure d’un danseur) à Esch-sur-Alzette, le spectacle partira en 2023 en tournée en France et en Angleterre.
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