Expo à Paris / Olga de Amaral à la Fondation Cartier
La Fondation Cartier pour l’art contemporain organise la première rétrospective de l’artiste colombienne Olga de Amaral. L’art textile étant peu représenté, cette exposition étant hors-normes, il s’agit d’un événement rare, insolite, et d’une beauté subtile.
Olga de Amaral, née à Bogotá en 1932, présente ici, sans ordre chronologique, des ouvertures sur un monde enchanteur. Nous sommes accueillis au rez-de-chaussée par des pièces monumentales, chatoyantes, faites pour certaines de petits pavés de tissus comme autant de facettes de couleurs. Si nous devions avoir une référence picturale, nous penserions au rythme et aux variations d’un Paul Klee, à sa musique légère et ondoyante. Nous sommes dans une immersion, dans la perception d’un autre continent, parfois d’une jungle, tant cet art semble une force instinctive, remontant aux temps anciens et remis au goût du contemporain, avec une telle maîtrise et une telle créativité, que nous sommes d’emblée happés. Parfois des formes émergent telles d’immenses lianes, et des fils très fins semblent pleuvoir du ciel, comme une brume géométrique, pour une œuvre qui occupe toute la salle. Olga de Amaral a oublié la surface plane de ses débuts pour créer ces pièces qui tiennent à la fois de sculptures, de peintures, d’installations. Attentifs à cet insaisissable, nous sommes voués à la contemplation.
Des espaces de méditation
„En construisant des surfaces, je crée des espaces de méditation, de contemplation et de réflexion“, écrit Olga de Amaral. „Chaque petit élément qui compose la surface est non seulement signifiant en soi, mais entre en résonance avec l’ensemble, tout comme l’ensemble entre profondément en résonance avec chacun des éléments qui le composent.“ Et encore: „Je vis la couleur. Je sais que c’est un langage inconscient et je le comprends. La couleur est comme une amie, elle m’accompagne.“ Ces pans colorés, ces structures, se proposent à notre regard comme autant de signes à déchiffrer, des signes anthropologiques, universels, d’avant le langage et l’image. Pour cela il faut le temps de la découverte et de la contemplation, il faut savoir s’abîmer dans l’œuvre, voir de quels milliers de détails et de gestes, de tressages, elle est faite, d’audaces aussi.
Pour ce qui concerne sa formation artistique, après un diplôme d’architecture obtenu en 1952, Olga de Amaral quitte la Colombie en 1954, dans un contexte de troubles politiques et sociaux, pour les Etats-Unis, où elle s’inscrit à l’Académie des arts de Cranbrook, dans le Michigan. Elle y découvre le design textile et le tissage, grâce à son professeur, l’artiste finno-américaine Marianne Strengell (1909-1998). Elle revient en Colombie un an après. En 1957, elle épouse l’artiste américain d’origine portugaise, rencontré à l’Académie de Cranbook, Jim Amaral. Ils s’installent à Bogotá, où ensemble ils créent l’entreprise de tissus décoratifs Telas Amaral. Olga de Amaral travaille à la verticale sur son métier à tisser, ce sont des surfaces rendues lisses grâce à la texture du lin et du coton.
Une civilisation lointaine et inventée
„L’un de mes matériaux préférés est le lin“, écrit-elle. „C’est une fibre végétale fine, pure, longiligne et peu texturée qui donne de la tension et un aspect lisse à la surface de l’étoffe. C’est en soi une très belle fibre. Le coton est également une fibre pure, naturelle et blanche. Sa texture spongieuse et résiliente se marie bien à la structure du fil de lin. Le tissage du lin et du coton crée une surface parfaite: une étoffe à l’aspect argileux, à partir de laquelle je confectionne des bandes qui formeront la matière première de mes œuvres.“
Cet „aspect argileux“ donne la sensation d’une surface, d’un toucher, particuliers, semblables au travail des potiers. Travailler de ses mains, patiemment, faire surgir la forme, la dessiner au moyen de fils – un pari fou, qui dévore l’espace de ses surgissements colorés, à la fois semblables à des végétaux, des stèles, appartenant à une civilisation lointaine et inventée. Et les mille facettes n’en finissent pas d’attraper la lumière, de la faire scintiller, au gré des accidents de surfaces. D’une architecture complexe et géométrique, comme la série des „Brumas“, débutée en 2013 – un ensemble de trente-quatre œuvres faites de milliers de fils de coton enduits de gesso et recouverts de peinture acrylique, suspendus à un support en bois – parfois pièces uniques et de dimensions plus modestes, les œuvres d’Olga de Amaral sont à chaque fois expérimentation de la matière, du signe, du tressage, de l’infini qui veille en nous. Cet intervalle ouvert, à nul autre pareil, éblouit l’œil, l’interroge, l’oblige à s’attarder.
Le gesso rigidifie le tissage, et le stuc permet d’ajouter des formes géométriques simples, le papier de riz masque l’aspect sec et rêche de l’enduit au gesso. Ainsi se crée un palimpseste de matières, que la feuille d’or, appliquée en dernier, vient magnifier, soulignant chaque creux, chaque relief, faisant de la surface suspendue dans le vide une ode au temps. Cette exposition est l’un des trésors de cette saison.
Olga de Amaral
Jusqu’au 16 mars 2025
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, boulevard Raspail
75014 Paris
www.fondationcartier.com
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