Critique de film / Oser être soi(e) : „Le Bleu du Caftan“ de Maryam Touzani
Halim (Saleh Bakri) est l’un des derniers artisans couturiers de la médina de Salé, au Maroc. Il passe sa vie dans l’arrière-salle de la boutique, alors que son épouse Mina s’occupe à négocier avec la haute bourgeoisie marocaine, qui vient les voir parce que personne ne fabrique des caftans comme lui, mais qui exige d’Halim la vitesse d’exécution d’une production à la chaîne.
Alors que le couple est lié par une complicité qui se manifeste notamment quand ils se moquent de la petitesse d’esprit de la haute bourgeoisie, quelque chose cloche, qui se lit tout autant dans les regards qu’ils échangent que ceux qu’ils n’échangent pas – l’amour, bien réel, qu’Halim porte à sa femme est strictement séparé de son désir, réservé aux hommes lors de séances dans les hammams publics. Le délicat équilibre auquel est arrivé le couple au sein des années est rompu par l’arrivée d’un nouvel apprenti, sensible aux charmes d’Halim, et la bataille de Mina contre un cancer qui la ronge.
Alors que le film de Maryam Touzani ne parvient pas à éviter tout cliché – certains symboles, notamment ce caftan bleu, sont aussi lourds que les regards échangés entre Halim et son apprenti, et la tolérance de Mina, touchante, est quelque peu lestée par une réalisation trop ostentatoire, comme lors de cette scène de danse à trois qui rappelle celle, bien plus ratée, qu’on a récemment vue dans „The Son“ de Florian Zeller –, cette relation triangulaire, qui se tisse autour d’un sujet-métaphore casse-gueule – le tissu comme symbole à la fois de l’artisanat filmique et de la façon dont les personnages se lient –, auquel personne ne s’était attelé depuis „Phantom Thread“ de Paul Thomas Anderson, est racontée de façon d’autant plus poignante que le jeu, excellent, des trois acteurs parvient à toucher dans un film à l’intrigue simple, mais émouvante, servie par une réalisation à la fois sensible et sensuelle.
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