LuxFilmFest / „Toi, tu ne changes pas“
Le festival de Cannes nous a habitué à la présence de petites séries B françaises: qu’on se rappelle notamment „Chambre 212“ de Christophe Honoré ou l’affligeant „Un couteau dans le cœur“, avec Vanessa Paradis, un film encensé par la presse française – et descendu en flèche par le reste du monde.
Dans „Teddy“, en sélection officielle de cette édition cannaise 2020 qui n’a jamais vraiment vu le jour, le jeu avec les tropes génériques fonctionne bien mieux, le film réussissant à se dépêtrer du sympathique pastiche en y ajoutant un coming of age qui prend à rebours les parallèles habituels entre la mutation monstrueuse et les poussées d’hormones de l’âge adolescent – et qui vit tout entièrement du talent d’Anthony Bajon, dont on avait déjà pu constater dans „La prière“, de Cédric Kahn, et qui incarne ici Teddy, le personnage principal (on s’en serait douté).
Teddy est un adolescent pas terriblement futé, qui aurait aimé travailler au Quick mais se retrouve à masser les pieds dans le salon d’une vieille lubrique portée sur le zen et les jeunes adolescents. Il n’a ni diplômes ni parents, vit chez son oncle adoptif, écoute du métal allemand et porte des t-shirts (un seul, plutôt) que portent les jeunes adultes férus de ce genre de zique. Son grand rêve, c’est de se construire une maison avec sa copine Rebecca qui s’apprête à passer son bac et qui provient d’un milieu bien plus huppé que lui-même.
Quand un loup se met à semer la terreur dans le village des Pyrénées, Teddy part avec l’intention de lui faire la peau. Il ressort de la forêt mordu dans le dos et constate avec inquiétude les lentes mutations que la blessure lui fait subir – l’horreur devant cette mutation allant de pair avec le lent déraillement de sa vie intime.
Le ton est donné d’emblée, avec une séquence initiale où l’on voit une mémé qui, inquiétée par un bruit dans la forêt, sort voir ce qu’il en est. Alors que la caméra reste à l’intérieur, des jets de sang dégoulinent sur la fenêtre. Ni „Teddy“, ni Teddy ne font dans la dentelle – au-delà de poils et d’ongles arrachées, qui symbolisent évidemment la transformation du corps adolescent, le lent devenir lycanthrope du jeune homme symbolise une prise de pouvoir et une revanche de l’exclu sur une société dénuée d’empathie et qui n’a de cesse de faire jouer ses mécanismes d’exclusion au détriment des marginalisés.
Le film joue avec ironie sur le trope de la métamorphose: Rebecca se sépare de lui en lui reprochant de ne pas avoir su changer, alors qu’il est le seul, dans ce village où les jeux sont faits d’avance – ainsi Rebecca, fille de riche, va-t-elle laisser tomber Teddy pour fricoter avec un autre fils de riche – à vraiment changer. Sans se prendre trop au sérieux, Teddy parvient allègrement à mêler comédie grinçante sur les classes sociales et la marginalisation des pauvres et film d’horreur véritable, qui ne recule pas devant une scène finale de bain extrêmement sanglant. Si le film ne crie pas au génie, il est heureusement loin des grandiloquences hollywoodiennes ostentatoires.
Sélection officielle Hors compétition, 3/5
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