France / 218 désistements suffiront-ils à donner la victoire au „Front républicain“ contre le RN?
La liste des candidatures admises pour le second tour des législatives, en fonction des résultats du premier, et aussi des désistements de candidats qui auraient pu concourir pour le second tour, mais préfèrent se retirer pour ne pas favoriser l’élection d’un candidat du camp jugé prioritairement adverse – il y en a au total 218 – a été arrêtée hier soir. La grande inconnue étant désormais de savoir comment les électeurs se plieront, ou non, aux consignes de vote des uns et des autres.
Le président Macron – et c’est au fond là son second échec de la dissolution – a décidément perdu beaucoup d’autorité sur ses propres troupes. Et cela en négociant fébrilement, par l’intermédiaire de quelques derniers fidèles, un accord de désistement, non seulement avec le Nouveau Front populaire, mais avec La France insoumise. Laquelle était dénoncée par lui, à la veille du scrutin encore, comme antisémite, antiparlementaire et potentielle fauteuse de guerre civile …
Celui qui est, au moins pour une semaine encore, son premier ministre, Gabriel Attal – qui lui aussi parlait voici quelques jours encore d’une „alliance honteuse“ entre la gauche républicaine et les mélenchonistes – a beau déployer toutes ses habiletés dialectiques, le message révulse à l’évidence la partie du macronisme venue de la droite, côté cadres, et, côté électeurs, sans doute plus largement encore. C’est le cas de tous ceux qui, fût-ce au risque (très vraisemblable) de perdre des sièges, préfèrent pratiquer ce qu’on appelle le „ni-ni“: ni Mélenchon ni le tandem Le Pen/Bardella. Le problème étant de savoir: alors, qui?
Faut-il alors parler, s’agissant de l’Elysée, de réflexe de panique, de sursaut tardif contre le seul Rassemblement national, ou d’auto-aveuglement? On y rêve en tout cas à voix haute de continuer à gouverner, même „autrement“, en s’appuyant sur „une majorité élargie à la droite modérée et au Nouveau Front populaire“, face à une extrême droite qui n’aurait pas obtenue la majorité absolue qu’elle espérait. Certes, cette dernière hypothèse, selon les sondeurs et analystes, est la plus probable: le RN et ses alliés, prédisent-ils, ne devraient pas obtenir dimanche soir plus de 260 sièges, peut-être même un peu moins, alors que ladite majorité est à 289 députés.
Pour beaucoup d’électeurs la quête du „moindre mal“
Mais de là à imaginer l’extrême gauche, et même la gauche modérée, voler au secours de Macron, et la droite, de son côté, adhérer en échange de quelques portefeuilles ministériels au programme économique que La France insoumise a réussi à imposer à l’ensemble de la gauche, il y a plus qu’un pas: un fossé. Même si le chef de l’Etat reniait tout ce qu’il a professé jusqu’à présent, comme il semble disposé à le faire pour assurer la fin de son mandat et limiter les effets de sa dissolution ratée, pour ne pas dire catastrophique.
Raisonner ainsi revient en outre à continuer (ou faire semblant) de croire que ce sont les survivants du macronisme qui resteraient, même sévèrement battus dans les urnes, les maîtres de possibles alliances. On voit là combien néfaste se sera révélée la stratégie de Macron, qui consistait à miser sur une poussée du Rassemblement national au détriment de la gauche, pour mieux l’emporter ensuite contre les lepénistes avec un report en sa faveur, peut-être douloureux mais moralement obligatoire, des votes de gauche. Comme cela lui avait si bien réussi aux élections présidentielles de 2017 et de 2022. L’apprenti sorcier découvre, mais un peu tard, qu’il a joué avec le feu et que ce feu brûle.
Reste à savoir si, au-delà de ces négociations nationales et/ou locales plus ou moins secrètes, et qui font parler à beaucoup de „tambouille électorale“, les électeurs français sauront donner tout son poids à ce concept ressuscité pour la circonstance, qui le justifie en effet, de Front républicain contre l’extrême droite. Mais l’espérer ne doit pas conduire à sous-estimer le fait que nombre d’entre eux ont aujourd’hui l’impression de devoir, en fait, et comme ils le disent souvent, „choisir le moindre mal“.
Il y a, d’un côté, une alliance qui a ses séductions politiques et sociales, mais qui a commis l’imprudence de s’inféoder à un petit groupe mélenchoniste dont les comportements peuvent être, à l’occasion, aux antipodes de la culture de la gauche, comme l’antisémitisme, le soutien au terrorisme du Hamas ou le culte du chef. Et, de l’autre côté, un parti lepéniste puissant, largement majoritaire dans l’ensemble de la France, et notamment dans la classe ouvrière et chez les jeunes, mais qui a moins rompu qu’il ne le dit avec un passé repoussant et parfois meurtrier – les gaullistes, en particulier, en savent quelque chose, n’en déplaise à M. Ciotti – ni avec des réflexes souvent à la limite de la xénophobie, voire du racisme. Et dont l’arrivée au pouvoir isolerait la France en Europe, notamment sur le terrain – mais c’est loin d’être le seul – du soutien à l’Ukraine face à l’agression russe.
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