L’abstentionnisme, le grand inconnu / Pas de vote, pas de voix
Il est rarement évoqué, encore moins débattu. Il faut dire que le vote obligatoire est censé en être le meilleur remède. Il est pourtant bien plus important, mais tout aussi peu considéré, que les manières légales de montrer qu’aucun candidat ou parti nous convient (vote blanc ou vote nul). Il n’est, dans ces conditions, pas considéré comme une réserve de voix, ni même brandi comme un cheval de bataille par les partis. Il n’est pas localisé, ni identifiable à des grands ensembles ou aux campagnes comme en France, même s’il a tendance à germer dans les couches populaires. Son absence explique pourquoi les quelques centaines d’électeurs brésiliens ont eu droit à beaucoup plus d’égard que ses dizaines de milliers de partisans.
L’abstentionnisme, dont il est question ici, poursuit son bonhomme de chemin, élection après élection. La parade officieuse semble être de ne pas en parler par peur de susciter des vocations. Après les élections communales de 2017, la commission juridique de la Chambre des députés avait exceptionnellement débattu du sujet et considéré qu’il ne fallait surtout pas lever l’obligation de vote, sous peine de créer un appel d’air. Cela n’a pas été suffisant pour que l’abstentionnisme ne progresse. Ils étaient 50.885 électeurs aux communales de mai dernier – soit 15,45% des inscrits – à ne pas s’être déplacés (contre 12,76% en 2017). A Esch, le parti des abstentionnistes a progressé de 15,5 à 16,4% entre 2017 et 2023, dépassant allègrement le score de deux des trois partenaires de coalition que sont „déi gréng“ et le DP. A Luxembourg, avec 20,9%, les abstentionnistes formeraient pour la première fois la deuxième force politique devant le CSV (20,6%).
Aux législatives, l’abstentionnisme a, depuis 2004, gagné entre deux et trois points de pour cent dans chaque circonscription pour arriver en 2018 à 13% dans la circonscription Centre, 10% dans le Sud, 8,1% dans le Nord et 8,9% dans l’Est. La solution la plus confortable – et la plus méprisante sans doute – est d’attribuer cette lame de fonds uniquement à l’indifférence. La plus honnête consiste à ne pas nier que beaucoup d’électeurs n’y trouvent pas leur compte et que leur action politique se joue en d’autres endroits que devant les urnes, et quotidiennement plutôt que tous les cinq ans. Comme l’ont établi des chercheurs sur le terrain des banlieues françaises, ce n’est pas qu’il y a dans ces couches souvent populaires pas de politisation, mais qu’elle se fait autrement, „par le bas“, dans la confrontation quotidienne avec les élites politiques et économiques, et tous les intervenants qui rappellent sa situation de perdant de la globalisation.
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