Le mardi 5 décembre 2023 est paru un article dans le Tageblatt: „Abnehmen auf Kosten von Diabetikern“. De la pénurie du médicament „Ozempic“.

Le jour après, dans le même journal, une enquête montre que 54% des lecteurs pointent le prescripteur du doigt.

Dans cet article sont désignés deux coupables pour la pénurie, la personne obèse et le médecin qui prescrit le médicament, et une victime: le patient qui souffre de diabète.

J’aimerais bien d’abord commencer par expliquer brièvement la maladie: il existe deux types de diabète, maladie où le sucre dans le sang est trop élevé.

Le diabète de type 1 où le système immunitaire déréglé du patient tue les cellules du pancréas qui produisent l’insuline. Ces patients nécessitent un traitement avec de l’insuline. Chez eux, l’Ozempic ne peut pas être prescrit et est même contre-indiqué.

Le diabète de type 2 est une maladie qui se répand mondialement comme une épidémie. Elle apparaît chez la personne atteinte d’obésité dont elle est la conséquence. C’est dans ce type de diabète que le médicament est indiqué. L’Ozempic aide le métabolisme à mieux contrôler le sucre et aussi à perdre du poids.

Donc, selon l’article du Tageblatt, nous avons au départ une personne qui est obèse, coupable de l’être, parce qu’elle ne veut pas maigrir avec des diètes énervantes et un programme de fitness trop rigoureux (je cite).

Ensuite, quand cette personne devient un patient diabétique à cause de son obésité, elle devient une victime innocente qui souffre d’une maladie qui ne peut pas être soignée parce que l’autre obèse lui vole son Ozempic.

L’obésité comme maladie

Et c’est ici que je voudrais corriger cette désinformation.

Dans toute ma carrière de médecin, j’ai toujours considéré l’obésité comme une maladie et non comme une perversion et un manque d’auto-contrôle irresponsable.

D’abord, il faut savoir que la sélection naturelle a voulu que les personnes en surpoids ont mieux survécu aux famines que les personnes maigres.

La grande différence qui existe chez ces personnes en surpoids, que la nature a sélectionné, est que dans leur cerveau, le seuil de satiété est bien plus élevé que chez la personne maigre. Pour lui, contrôler la faim est beaucoup plus difficile. Avec le temps, il se crée un cercle vicieux: plus il est en surpoids, plus le déréglage métabolique fait que le seuil de satiété augmente. D’autre part, plus il est gros, plus le sport lui devient difficile. Et souvent il tombe en dépression. Jusqu’au jour où il devient malade du diabète de type 2.

Depuis qu’on connaît la cause du diabète de type 2, nous savons que le traitement primordial est le régime, la perte de poids et l’augmentation de l’activité physique. Les médicaments qui sont apparus sur le marché ces derniers 50 ans, ont tous eu pour effet de diminuer le sucre dans le sang, mais aucun n’arrivait à s’attaquer à la cause principale de la maladie qui est l’obésité.

Jusqu’au jour où sont apparus les „agonistes de la GLP-1“, dont fait partie l’Ozempic.

Enfin un médicament qui non seulement abaisse le sucre dans le sang, mais dont le mécanisme d’action abaisse aussi le seuil de satiété, permet de mieux contrôler la faim, fait maigrir et améliore le diabète, voire même plus, il le fait disparaître dans beaucoup de cas. Il permet alors d’augmenter l’activité physique qui devient plus agréable. Et il n’a que peu d’effets secondaires.

De plus en plus d’études sont apparues, où on a remarqué que le médicament n’était pas seulement bénéfique pour les diabétiques, mais aussi chez les personnes obèses qui n’étaient pas encore diabétiques, notamment en améliorant la stéatose hépatique (le foie gras), ou en diminuant le risque de maladies cardio-vasculaires.

Voilà pourquoi l’Ozempic est indiqué chez les personnes en surpoids et non seulement chez les diabétiques de type 2 qui au départ étaient aussi des personnes en surpoids.

Des millions d’euros épargnés

Voilà aussi pourquoi je considère que ce médicament devrait être remboursé à 100% par la caisse de maladie, chez le diabétique ET chez la personne à partir d’un certain surpoids et non encore diabétique. Cette molécule coûte 100 euros par mois par patient, cependant elle ferait épargner des millions d’euros à la caisse de maladie en prévenant les complications de l’obésité et du diabète, les maladies cardio-vasculaires et même certains cancers. Elle permettrait aussi d’éviter la chirurgie bariatrique dans beaucoup de cas, opération de l’estomac qui est réalisée chez les grands obèses.

Le médecin qui prescrit l’Ozempic pour traiter l’obésité, le fait dans les règles de l’art. En effet, il existe une molécule-sœur aussi utilisée dans le diabète de type 2 qui s’appelle Victoza, et chez laquelle la firme a simplement changé le nom sur la boite en „Saxenda“, qui peut être alors prescrite chez le patient en surpoids tout à fait légalement, mais en n’étant pas remboursée par la caisse de maladie.

Pour l’Ozempic, il en va de même. La même molécule qui est prescrite pour le surpoids s’appelle „Wegovy“, elle est commercialisée dans plusieurs pays d’Europe, mais pas encore au Luxembourg. Elle n’est pas non plus remboursée par la caisse de maladie, mais peut être prescrite chez les patients en surpoids en toute légalité.

Il est malhonnête d’affirmer que le médecin et la personne en surpoids sont responsables de la pénurie du médicament. Tous les médecins au Luxembourg s’accordent complètement avec le ministère de la Santé pour prescrire ce médicament exclusivement chez le diabétique durant cette période de pénurie. Mais nous espérons que la mise sur le marché d’autres molécules semblables permettront d’avoir des quantités suffisantes pour le prescrire aussi chez les patients en surpoids.

Enfin, j’invite chaque journaliste avide de vérité à enquêter en profondeur sur les vraies causes de cette pénurie pour découvrir bien d’autres jeux pervers de notre économie.

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